Biodiversité vs BTI – Quand l’information a meilleur goût
POINT DE VUE
Depuis quelques années, des groupes d’activistes soulèvent plusieurs inquiétudes auprès des citoyens sur la diminution de la biodiversité et les différentes pratiques soi-disant bouleversantes et responsables de la perte du monde animal.
SIMON DEMERS
Conseiller scientifique chez GDG Environnement
La COP15 nous invite à jeter un nouveau regard critique sur les différentes activités anthropiques qui perturbent nos écosystèmes terrestres et aquatiques. Dans les deux dernières semaines, les nombreuses plateformes médiatiques relatent différentes opinions sur divers enjeux environnementaux, dont l’utilisation de produits biologiques pour le contrôle des insectes piqueurs. Lorsque l’attention du monde entier est tournée vers le Québec, la communauté scientifique se doit d’intervenir sur les propos non fondés et sensationnalistes hurlés sur la place publique. C’est pourquoi, à l’aide d’une approche transparente et objective, je vous propose un regard critique sur les informations douteuses qui circulent au sujet du contrôle des insectes piqueurs au Québec.
Cela fait plus de 40 ans que des chercheurs en entomologie, biologie, écologie, géographie et chimie s’interrogent sur les différents aspects entourant l’utilisation du larvicide biologique Bacillus thuringiensis israelensis (Bti). Les produits à base de Bti sont couramment utilisés sur l’ensemble du globe pour le contrôle des moustiques et des mouches noires. Depuis 2002, le Bti est également utilisé pour contrôler les populations de moustiques vecteurs du virus du Nil occidental et autres zoonoses. Le Bti est constitué d’une bactérie, découverte en 1976. Cette dernière vit naturellement dans les sols et le consensus scientifique la qualifie comme étant toxique seulement pour les moustiques et les mouches noires. Pour être toxique, les cristaux de Bti doivent être ingérés par un organisme qui possède un tube digestif aux propriétés chimiques très spécifiques (insectes hématophages).
Il existe une vaste littérature scientifique qui traite des impacts directs et indirects que peut occasionner le Bti, selon les différentes conditions d’utilisation. En ce sens, il est important de distinguer les objectifs des différentes études, laboratoire et terrain, afin de saisir le consensus scientifique sur le sujet. Mentionner que le Bti fait diminuer la population de chironomes en milieu aquatique, sans évoquer les conditions ou citer l’étude, revient à participer à la désinformation sur le sujet. Il est nécessaire de se questionner sur les dosages que les entreprises utilisent sur le terrain versus ceux utilisés dans le cadre d’une étude.
…certaines espèces, dont les moustiques et de nombreux ravageurs, sont en forte augmentation depuis plus de 20 ans.
En effet, plusieurs facteurs influencent l’interaction qu’un produit peut avoir dans un milieu naturel aussi complexe. Il en est de même pour considérer la densité des insectes, oiseaux, mammifères et autres organismes présents dans un écosystème aquatique. Par exemple, alors que certains insectes déclinent rapidement sous la pression anthropique, certaines espèces, dont les moustiques et de nombreux ravageurs, sont en forte augmentation depuis plus de 20 ans.
Les connaissances scientifiques développées dans les dernières décennies ne seront jamais désuètes. En fait, le processus scientifique s’alimente des connaissances fondamentales établies par les chercheurs qui les précèdent. L’évaluation par nos pairs sur la rigueur de nos méthodes utilisées permet d’approfondir et de parfaire la maîtrise sur ce sujet.
Au Canada, les produits industriels (incluant le Bti) doivent suivre le processus d’homologation qui s’effectue à l’aide des mêmes produits industriels qui seront utilisés par les entreprises. L’homologation permet d’évaluer l’étendue de l’impact sur l’environnement que pourrait engendrer l’utilisation de ce produit. Ce sont donc les mêmes ingrédients, contenus dans les produits à base de Bti, qui sont évalués par les agences gouvernementales et scientifiques. Parallèlement aux recherches, fonctionnaires et élus travaillent en collaboration avec les entreprises pour soutenir un cadre de développement durable et une réglementation stricte.
Le danger de la fausse information réside en sa capacité à nous faire dévier des priorités environnementales
Que nous travaillons au public ou au privé, nous préconisons une approche objective et transparente sur les différents enjeux environnementaux auxquels nous devons faire face. Cessons de divulguer de fausses informations. Concentrons-nous sur l’avenir, sur le partage des connaissances dans le but d’améliorer nos pratiques et de travailler ensemble à la restauration de nos milieux naturels. Le danger de la fausse information réside en sa capacité à nous faire dévier des priorités environnementales qui méritent pourtant une attention urgente et concertée.
La science au sein d’une entreprise évoque une volonté d’agir, d’apprendre et surtout de sauver notre biodiversité.